Seconde Guerre Mondiale 1939 - 1945

- REIMS - Prison Robespierre - 1943/1944 -

Après son évasion du Stalag II A, Pierre Johnson décide d'entrer en Résistance.

La Résistance se met en place suite à l'appel du Général du Gaulle autour de deux organisations parallèles et complémentaires, qui finiront par fusionner en 1943 : les S. R. (Services de Renseignements) d'une part et les T. R. (Travaux Ruraux) du B. C. R. A. d'autre part.
Pierre Johnson est embauché aux services secrets S. R. du 2ème bureau de la Marine, chef du réseau SR Kleber-Uranus le 15 décembre 1941 sous le nom de Colonel Pierre Jouffroy agent P/2 231, plus tard il sera également agent des T. R. du B. C. R. A. (Bureau Central de Renseignements et d'Action).

1940 - ligne de démarcation

Chronologie des faits depuis son évasion du Stalag II A, à cette époque, la France se trouve aux trois quarts occupée par l'armé allemande et l'armée italienne.
- Juillet 1941 : Pierre Johnson, grâce à son père Léon Johnson, agent de liaison à Paris, entre en contact avec les agents de liaison chargés de le faire passer en zone libre. Ligne de démarcation.
- Août 1941 : il est à Vichy où il s'installe durant plusieurs mois. Il est embauché par le Service Central de Photographie.
- Septembre 1941 : Georges R., directeur du S. C. P., le met en relation avec ceux qui préparent la Résistance. Paradoxalement Georges R. est à la fois fervent pétainiste et contre les Allemands. Plus tard il finit par entrer en Résistance puis arrêté il sera interné dans le camps de Buchenwald où il retrouvera Pierre Johnson.
- Octobre 1941 : Pierre Johnson est reçu par l'Amiral J. à Vichy, au siège des services secrets français qui organisent ce qu'on appellera les Forces Françaises Libres. Sur l'ordre de l'Amiral J. il doit recevoir la Francisque afin de pouvoir circuler librement. Le 3 novembre 1941 Pierre Johnson se soumet, malgré lui, à la cérémonie officielle de remise de cette décoration, passage obligé pour poursuive sa mission de renseignement.
- Novembre 1941 : il est reçu par le Colonel H. et le Capitaine M. à Lyon siège des services de contre-espionnage (T. R.) pour l'Est de la France, l'Alsace, la Suisse et l'Allemagne. Il change de nom et devient le colonel Pierre Jouffroy agent P2 /231, alias Pierre Johnson. Pendant cette période il va suivre une formation au "close-combat" sport d'auto-défense venu d'Angleterre.
- Décembre 1941 : Pierre Jouffroy alias Johnson signe son contrat de Résistant à plein temps et démissionne du S. C. P.. Il est responsable des réseaux SR Kleber et TR du BCRA qui couvrent l'Est du pays. Il récupère sous ses ordres les 57 agents déjà en place tant dans la région Est qu'à Paris. (Voir pages 76 à 87 du livre)
- De vrais faux papiers lui seront remis en mains propre par l'un des agents du réseau qui n'est autre que le commissaire de police de Chaumont. Pierre Johnson change de nom mais aussi de lieu de naissance, de profession et d'adresse, il est désormais Pierre Jouffroy, né le 6 septembre 1904 à Lyon, agent de transaction immobilière, demeurant 5 boulevard Thiers à Chaumont dans la Haute-Marne. Il a un bureau à Paris 22 rue Boissière dans le 16ème arrondissement.
- Jusqu'au mois de janvier 1943 il résiste dans la Marne, l'Aube, l'Yonne, la Haute-Marne et la Haute-Saône et Paris départements en rouge sur la carte, il a également en charge le Meuse, la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges, départements en bleu sur la carte, territoires qu'il délègue à son copain d'évasion Roger L.
- Il reçoit ses ordres de mission de Vichy et de Lyon, communique avec l'Intelligence Service à Londres pour les opérations de sabotage. Meneur d'homme apprécié, Pierre Johnson fera du SR-Kleber 231 une organisation redoutable contre les Allemands.

Toute la logistique allemande est mise à mal par le très actif et efficace réseau qui sabote terrains d'aviation, dont celui de Romilly dans l'Aube, et lignes de chemin de fer, fait sauter ponts et entrepôts, récupère toutes informations utiles à transmettre aux Services de Renseignements alliés (I. S.).

En avril 1942 Pierre Johnson dérobe, à Saint-Dizier en Haute-Marne, le livre allemand de recherches (Deutsches Fahndungsbuch) un document qui permettra de sauver des centaines de vies d'hommes et de femmes destinés à la déportation.
L'ensemble de son action lui vaudra la Médaille de la Résistance Française entre autres reconnaissances de la Nation rendues après la guerre dont la Légion d'Honneur.

Puis arrive le moment tant redouté : se faire prendre par la Gestapo !

Tout d'abord c'est quoi la GESTAPO ?

GESTAPO est l'abréviation de GEHEIME SHAATSPOLIZEI ce qui signifie POLICE SECRÈTE D'ÉTAT.

Créée en 1933 cette police secrète est la terreur des Résistants. Une loi allemande de 1936 stipule : "les ordres et les affaires de la police secrète ne sont pas sujets à l'examen des tribunaux administratifs ", la Gestapo est donc libre d'agir comme bon lui semble et elle ne s'en prive pas. Ses pouvoirs sont immenses, ses actions sont efficaces et redoutables :
- elle expédie en camp de concentration et d'extermination plusieurs millions d'hommes, de femmes et d'enfants Juifs, Communistes, Tziganes, Résistants, entre autres
- elle fusille sur la place publique des centaines d'innocents en représailles arbitraires,
- elle torture lors des interrogatoires, sans aucunes limites dans la barbarie, allant jusqu'à ce que mort s'en suive. Pierre Jouffroy alias Johnson en gardera le douloureux souvenir.

En 1946, la Gestapo sera condamnée en tant qu'organisation criminelle lors du procès de Nuremberg.

La Gestapo à Reims

Dénoncé par André C., Pierre Jouffroy (alias Johnson) est arrêté le 7 janvier 1943 à l'hôtel Terminus d'Epernay par le lieutenant-colonel Bischoff, chef de la Gestapo de Reims accompagné de 3 agents de la Gestapo et de nombreux agents de la Feldgendarmerie (FG) police militaire allemande d'Epernay. Seul dans sa chambre d'hôtel, il lui est impossible de se soustraire à l'invasion d'une horde d'Allemands bien décidée à anéantir tout le réseau SR Kleber-Uranus et particulièrement celui qui se trouve à sa tête, le colonel Jouffroy (alias Johnson), qui, sitôt capturé, est écroué à la prison Robespierre de Reims.

Quelques jours plus tard, le 13 janvier 1943, c'est sa femme, Blanche Aurore Johnson, active Résistante, membre de la France Combattante, qui sera arrêtée à Paris, elle aussi dénoncée par André C., elle est incarcérée dans un premier temps à la prison de Fresnes.

C'est grâce aux Archives Historiques du Ministère de la Défense que j'ai pu obtenir des informations aussi précises sur les conditions des arrestations de Pierre et Blanche Johnson.

La prison Robespierre construite en 1905 à l'extrémité de la ville de Reims, entourée d'un immense mur d'enceinte, est ainsi agencée, boulevard Robespierre :
- un long bâtiment de trois étages est réservé aux cellules, un couloir fermé relie le bâtiment à celui des gardiens membres de l'armée allemande sous l'autorité de la Gestapo.
- chaque cellule comprend de 2 à 4 lits en fer, une table à rabat en bois, un seau hygiénique, une fenêtre à barreau en partie supérieure.
- un second mur d'enceinte à l'intérieur du mur principal renferme un bâtiment isolé réservé aux cellules individuelles dotées de cours privées pour les prisonniers soumis au secret. Pierre Jouffroy alias Johnson sera enfermé 9 mois dans ce genre de cellule.
- chaque matin les prisonniers ont une demi-heure de promenade dans la cour collective ou individuelle selon le cas.
- le matin toilette collective aux lavabos installés au bout de chaque étage avec wc où les prisonniers vident le seau hygiénique.
- un bol de soupe est servi midi et soir en guise de repas.
- les visites sont autorisées une fois par semaine, c'est l'occasion pour les prisonniers de recevoir des colis de leur famille ou de la Croix-Rouge. Les prisonniers soumis au secret n'ont pas droit aux visites, ni aux colis.

André C. de Compiègne, a été arrêté le 31 décembre 1942 par la Gestapo. Membre du réseau S. R. il dénonce tous les agents du réseau qu'il connait, dont le commissaire de police de Chaumont, il dénonce même les membres de sa propre famille dont son oncle, intendant à Bar-le-Duc. Ce qui permet à la Gestapo d'arrêter des centaines de personnes et d'affaiblir considérablement la Résistance locale.

Pierre Jouffroy alias Johnson va bien évidemment commencer par s'évader de la prison Robespierre (page 87 du livre) sans succès hélas. Il restera emprisonné 15 mois dont 32 jours dans une cage, pour tentative d'évasion, et 9 mois au secret durant lesquels il va subir les plus abominables tortures de la Gestapo dans une villa réquisitionnée. La Convention de Genève qui protège les prisonniers de guerre et qui était plus ou moins respectée par les Allemands au Stalag II A n'est plus respectée en 1943, pour la Gestapo tous les coups sont permis pour obtenir les renseignements que détient Pierre Jouffroy alias Johnson.

Le panneau indique l'adresse du
commandant de la police de sûreté
et des services de sécurité
de la Gestapo
(SD : Sicherheitsdienst)
où ont lieu
les interrogatoires des prisonniers.

Cette maison bourgeoise, de 1 200 m2, construite vers 1925, par les architectes Edmond Herbé et M. Deffaux au 18 rue Jeanne d'Arc, appartient à l'entrepreneur de béton armé Demay. Elle est réquisitionnée par les Allemands en 1940 pour devenir le siège de la Gestapo.

De jour comme de nuit Pierre Jouffroy alias Johnson est conduit, menottes aux poignets, au 18 rue Jeanne d'Arc pour y être interrogé. Il est amené dans les sous-sols spécialement aménagés par la Gestapo en cellules individuelles. Assis à califourchon sur une chaise, pieds et mains attachés, le torse nu, il reçoit des coups de nerfs de bœuf, entre autres tortures, hurlant de douleur jusqu'au moment où inconscient il est reconduit dans la cellule d'isolement de la prison Robespierre. De tels interrogatoires vont durer 9 mois, espacés du temps nécessaire à la récupération de ses forces, à la cicatrisation de ses blessures. Malgré deux côtes et quelques dents cassées, des hématomes sur tout le corps entre autres stigmates Pierre Jouffroy alias Johnson résiste sans jamais dénoncer ses agents, ses amis, ses compagnons de Résistance.

La Gestapo voyant qu'elle n'obtiendra rien de lui, va le faire condamner à mort par le Tribunal Militaire allemand de Châlons-sur-Marne, motif de la condamnation : espionnage. Il doit-être fusillé le 30 novembre 1943.

Pendant ce temps, Blanche Aurore Johnson, son épouse, est transférée de la prison de Fresnes à Châlons-sur-Marne, puis à Reims où elle va subir aussi les interrogatoires musclés de la Gestapo. Comme son mari elle ne dira rien, elle est finalement transférée à Laon et libérée le 30 novembre 1943 le jour où Pierre Jouffroy, alias Johnson doit être fusillé.

Les services de renseignements, ne voulant pas perdre l'un de leurs meilleurs agents, négocient avec les Allemands, grâce aux interventions de Roger L. et Louisette T.
Dans la nuit du 29 au 30 novembre, Pierre Jouffroy alias Johnson est gracié de justesse, il est échangé avec un capitaine allemand arrêté à Londres et condamné à la même peine par l'Intelligence Service. Malgré tout il ne sera pas libéré, sa peine de mort est commuée en peine de prison qui se transformera en déportation. Il reste encore 4 mois prisonnier à Reims puis il est transféré au camp de transit de Royallieu à Compiègne au mois d'avril 1944.

Durant ces 4 mois Pierre Jouffroy alias Johnson ne reste pas inactif, il reprend du service "secret" par l'intermédiaire de Jeannot, un petit garçon âgé de 7 ans, probablement le fils d'un de ses agents du réseau envoyé pour ne pas compromettre les agents en activité. Il fait ainsi passer des renseignements reçus de certains prisonniers Résistants cotoyés lors des promenades dans la cours de la prison.

Puis c'est le départ pour Compiègne Royallieu et la descente aux enfers jusqu'au mois de mai 1945, date de libération du camp de concentration de Dachau par l'armée américaine.

En réalité la descente aux enfers ne s'arrêtera qu'après avoir réuni toutes les preuves de son existence car pour les autorités allemandes et françaises Pierre Jouffroy alias Johnson est officiellement mort depuis novembre 1943. Rien n'est venu corriger la liste officielle des 12 fusillés du 30 novembre 1943, dont Pierre Johnson fait partie, transmise au Ministère de l'Intérieur à Vichy. En outre, le bombardement de Reims en 1944 a détruit la majorité des archives allemandes. Il lui faudra réunir plusieurs centaines de témoignages de ses agents survivants des réseaux S. R. et T. R., des services de l'Intelligence Service à Londres ainsi que des membres de sa famille, en particulier sa mère et sa femme qui viendront le reconnaître, pour qu'enfin son identité soit reconnue après de pénibles séances d'interrogatoire à son retour de Dachau. Retrouvez les détails de l'arrestation, torture, condamnation à mort et déportation de Pierre Johnson alias colonel Jouffroy pages 86 à 101 du livre.

Sur la toile quelques témoignages de ceux qui ont connu Pierre Johnson à la prison Robespierre :

Ian ROBB officier de la Royal Air Force
Dominique Edgard POTIER commandant de l'Armée de l'Air belge et chef du réseau Possum
Robert ROCHER membre du réseau Possum
Georges CARRÉ prêtre résistant, vicaire à la paroisse Saint-Charles de Sainte-Ménehould

La reconnaissance de la Nation sera rendue à ceux et celles qui se sont engagés volontairement pendant au moins trois mois consécutifs avant le 6 juin 1944. Les CROIX du COMBATTANT sont destinées, je cite : "à signaler à l'attention de leurs concitoyens qui les ignorent les titres au respect des générations futures de ceux qui, au péril de leur vie, ont défendu la patrie.

Croix du Combattant
Croix
du
Combattant
Croix du Combattant
Croix du Combattant
Volontaire
1939/1945
Croix du Combattant
Croix du Combattant
Volontaire
de la Résistance

Pierre Johnson, engagé volontaire dès le 15 décembre 1941, était titulaire de la carte du combattant n°556169, la croix du combattant volontaire par décision n° 1019, la carte du combattant volontaire de la Résistance n° 213, la carte de la confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance n° 1620. Les souffrances morales endurées par la trahison de ses compatriotes, les souffrances physiques endurées lors des séances de tortures de la Gestapo ne seront pas effacées par ces décorations distribuées après la guerre, malgré tout cette reconnaissance est importante pour ceux qui ont sacrifié volontairement une partie de leur vie pour défendre la Liberté de tout un peuple.

1944
Pierre Johnson entre dans le tourbillon de la déportation
Compiègne - camp de Royallieu


MÉMOIRE

Après la libération la "Maison de la Gestapo" passe par différentes destinées avant d'être démolie. Je vous invite à lire une présentation très complète de Jean-Pierre Husson. Aujourd'hui, l'édifice démoli en 1986, laisse place au "Square des Victimes de la Gestapo". A l'entrée du square un pan du mur de façade de la villa a été conservé, une plaque commémorative a été apposée où l'on peut lire :

Hommage aux martyrs de la Résistance
Français !
N’oublie jamais que pendant quatre années d’occupation ( 1940-1944 )
la Gestapo a torturé dans cet immeuble des centaines de patriotes
Ils ont souffert, ils sont morts pour la défense de ta liberté
.
Libération-Nord

Dans le jardin du "Square des Victimes de la Gestapo" se dresse une sculpture monumentale de 3,60 mètres de haut sur 0,85 mètre de large, à la mémoire des victimes de la Gestapo, en forme de croix de Lorraine F.F.L. réalisée par Patrice Alexandre avec les pierres de la villa. Sur chaque pierre des bas-reliefs en bronze patiné sont scellés, chaque bas-relief représente une scène rappelant torture, résistance et déportation.
Dans l'axe de la sculpture une fontaine de 3,60 mètre de haut sur 1,80 mètres de large vient servir en fond de scène l'œuvre artistique.

Reims tourisme

Quant à la prison Robespierre, elle fut en partie détruire lors des bombardements du 30 mai 1944.
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