Seconde
Guerre Mondiale 1939 - 1945
- AUSCHWITZ - Camp d'extermination
- 1944 -
Le 27 avril 1944, Pierre Johnson quitte le camp de transit
de Royallieu, pour le camp de la mort
d'Auschwitz-Birkenau. Après 4 jours et 3 nuits ininterrompus
de voyage, entassés par 200 dans des wagons à bestiaux,
c'est le terminus en gare d'Auschwitz le 1er mai 1944. Encore 2 km à
pied et Pierre Johnson franchit les portes du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
La destin funeste du "convoi Pucheu"
ayant été, après tractations, commué en
travaux forcés, le temps pour les Allemands de s'organiser et
les formalités d'usage se poursuivent, en particulier, le tatouage.
Contrairement aux autres camps qui attribuent un matricule administratif
sur un "registre des entrées", ensuite transcrit sur
la veste ou le pantalon, à Auschwitz, le matricule est à
la fois porté sur le registre des entrées mais également
tatoué sur le bras par un détenu réquisitionné.
Heureusement, car ceux qui ne sont pas tatoués sont directement
envoyés à la chambre à gaz. Une série de
numéro allant de 184936 à 186590 est affectée aux
nouveaux arrivants, série suivant l'ordre alphabétique,
ce qui représente 1655 détenus arrivés vivants
pour 1760 partis de Royallieu, 105
sont morts pendant le voyage ou fusillés à l'arrivée
pour tentative d'évasion. Pierre Johnson est tatoué
185785. (Voir page 93 du
livre)
Extrait de l'interrogatoire
de Pierre Johnson le 10 mai 1945 à Dachau
avant son rapatriement pour la France
Tout d'abord c'est quoi un CAMP D'EXTERMINATION
?
A cette époque nous trouvons trois sortes de camps
Allemands dans l'Europe occupée :
- Les camps de prisonniers de guerre, voir le chapitre Stalag
II - Neubrandenburg, où sont emprisonnés les militaires
protégés par la Convention
de Genève.
- Les camps de concentration, voir les chapitres Buchenwald,
Dachau, Flossenbürg,
où sont concentré les déportés destinés
aux travaux forcés
- Les camps d'extermination où sont exterminés par
le gaz, les armes ou la pendaison les déportés répondant
à certains critères.
Le principal critère d'Hitler est la sauvegarde d'une race dite
"supérieure", il programme d'exterminer tous les individus
qui ne correspondent pas à la race aryenne considérée
supérieure ou qui s'opposeraient aux volontés du Reich.
Il décide d'exterminer massivement Juifs, Tziganes, prisonniers
de guerre ou politiques, handicapés physiques et mentaux, homosexuels
entre autres par un système qui permet de tuer en un minimum
de temps un maximum d'indésirables.
« La race aryenne nordique est la détentrice de toute culture,
la vraie représentante de toute l'humanité, et c'est par application
divine que le peuple allemand doit maintenir sa pureté raciale. La
race germanique est supérieure à toutes les autres et la lutte contre
l'étranger, contre le Juif, contre le Slave, contre les races inférieures
est sainte. » Adolf Hitler, Mein Kampf
En 1939, les premières exterminations se font dans des "camions
à gaz" sorte de camions de déménagements dans
lesquels les victimes sont entassées puis tuées par le
gaz. Le système itinérant permet d'aller récupérer
les futures victimes là où elles se trouvent, essentiellement
dans les hôpitaux psychiatriques. L'expérience est concluante
mais ne permet pas d'exterminer aussi massivement qu'Hitler le voudrait.
En 1941 les nazis construisent les premiers camps d'exterminations
fixes. Les victimes sont transportées en wagons à bestiaux
jusqu'au camp d'extermination, puis, sous prétexte d'aller prendre
une douche collective, elles sont conduites dans un local où
elles sont massivement toutes gazées. Cette invention diabolique
comporte deux avantages : le premier est de tuer à l'échelon
industriel, le deuxième est de tuer dans le plus grand secret.
Les camions itinérant étaient mal vus de la population,
en particulier de la population luthérienne et calviniste très
répandue en Allemagne, cette tuerie industrielle ignorée
du monde extérieur sert parfaitement les ambitions du IIIème
Reich.
Ainsi fonctionnent pas moins de 6 camps, tous en Pologne, qui exterminent
par le gaz entre 3 et 5 millions d'hommes, de femmes et d'enfants essentiellement
Juifs de 1941 à 1945 : Auschwitz II-Birkenau, Belzec, Chelmno,
Maïdanek, Treblinka, Sobibor.
Les historiens s'accordent à dire, que jamais de tels procédés
d'extermination à la chaîne n'ont été mis
au place, même lors des plus horribles méfaits connus du
Haut-Moyen Âge. L'escalade de l'horreur est au paroxysme durant
la Seconde Guerre Mondiale, on parle alors de crime contre l'humanité.
Histoire du camp d'AUSCHWITZ
AUSCHWITZ est la traduction allemande d'OSWIECIM village situé
au sud de la Pologne, dont le nom apparaît au début du
XIIème siècle.
1er septembre 1939 l'Allemagne envahit la Pologne, ce qui va provoquer
l'entrée en guerre de la France entre autres conséquences
et la mobilisation de Pierre Johnson le 3 septembre 1939. Le mois suivant,
octobre 1939, toute la partie Ouest de la Pologne dont Auschwitz est
annexée à l'Allemagne, deux ans plus tard, 1941, c'est
toute la Pologne qui sera annexée, la Seconde Guerre Mondiale
est en marche et Pierre Johnson s'évade du Stalag
II A au mois de juillet 1941 pour entrer en Résistance
le 15 décembre 1941.
Dès 1940, le territoire d'Auschwitz devient un immense complexe
constitué de 3 camps principaux et plus de 50 camps annexes et
commandos extérieurs (Altdorf , Althammer, Babice, Bauzug,
Beruna, Bismarckhütte, Blechhammer, Bobrek, Budy, Brunn, Charlottengrubbe,
Chelmek, Chorzow, Chrzanow, Czernica, Ernforst, Ernfort-Slawecice, Eintrachthutte,
Freudenthal, Furstengrabe, Gleiwitz I, II, II, IV, Golleschau, Gunthergrubbe,
Harmeze, Hindenburg, Hubertushutte-Hohenlinde, Janigagrube-Hoffnung,
Jawichowitz, Kobio, Lagischa, Laurahutte, Lepziny-Lawki, Lesslau-Wloclawek,
Libiaz-Maly, Lukow, Monowitz, Myslowice, Neu Dachs, Neustadt, Sosnowitz
I et II, Trezbinia, Tscechwitz, Harmeze, Plawy, Rajsko, Rybnik, Rydultowy,
Siemiennowice, Wloklawek-lesslan, Zasole, Zittau).
AUSCHWITZ I - STAMMLAGER
MAI 1940 : ouverture du camp d'Auschwitz-Stammlager près d'Oswiecim.
Formé de baraquements abandonnés de l'artillerie polonaise
restaurés et de nouveaux baraquements construits par les prisonniers,
le camp s'étend sur 32 hectares avec une capacité d'accueil
de 20 000 déportés. Il s'agit essentiellement d'un camp
de concentration de prisonniers destinés aux travaux forcés
dans les mines et usines avoisinantes. Néanmoins une chambre
à gaz y est également installée.
AUSCHWITZ II - BIRKENAU
OCTOBRE 1941 : ouverture du camp d'Auschwitz-Birkenau près
de Brzezinka à moins de 3 km du premier camp. Il s'étend sur
170 hectares avec une capacité d'accueil de 100 000 déportés
(l'équivalent de la population de la ville de
Caen en France). Il s'agit à la fois d'un camp de concentration
de prisonniers destinés aux travaux forcés dans les
mines et usines avoisinantes mais également du premier camp
d'extermination massive avec six "chambres à gaz-crématoires".
AUSCHWITZ III - MONOWITZ
MAI 1942 : ouverture du camp d'Auschwitz-Monowitz près de Monowice,
distant de 7 km du premier camp. Avec une capacité d'accueil
de 12 000 déportés, il s'agit essentiellement d'un camp
de concentration de prisonniers destinés aux travaux forcés
à l'usine de caoutchouc synthétique de Buna.
Matricule 185785
Pourquoi Auschwitz est-il le seul camp où les prisonniers destinés
aux travaux forcés sont tatoués sur l'avant bras gauche
?
Auschwitz est le plus grand camp de concentration nazi où travaillent
plus de 130 000 prisonniers dans des conditions telles que le taux de
mortalité atteint 90 % sur certains chantiers, en outre, nombreux
sont les cadavres méconnaissables. Face à cette situation
le commandement du camp décide, au cours de l'hiver 1941, de
mettre en place un système de marquage indélébile
des matricules sur le corps des détenus. Plusieurs formules sont
testées, c'est finalement le tatouage qui sera retenu. Ainsi
un cadavre même méconnaissable peut toujours être
identifié pour mettre à jour les statistiques morbides
des nazis.
A Auschwitz-Birkenau, en ce début du mois de mai 1944, Pierre
Johnson est donc tatoué à l'encre bleue par un déporté
réquisitionné. Chaque chiffre,
1, puis 8, puis 5,
puis 7, puis 8
et enfin 5, est inscrit à
la pointe d'une aiguille malhabile qui injecte l'encre sous la peau.
Quelques jours plus tard 185785
apparaît nettement, le temps que le bras, gonflé et noirci,
retrouve sa forme normale.
Ce marquage comme du bétail va traumatiser à vie mon
pauvre père.
Vers l'âge de 7 ou 8 ans je réalise à quel point
ce tatouage a marqué mon père, lorsque me promenant sur
la plage, lors de vacances d'été, je lui demande bien
innocemment : "Dis Poupa c'est quoi ce
numéro que tu as sur la bras ?", il me répond
sur un ton chargé de tristesse : "C'est
une longue histoire qui ne regarde pas les petites filles, je t'expliquerai
plus tard...". J'avais hâte de grandir pour arriver
à "plus tard". Mon père ne portait jamais
de chemises à manches courtes et encore moins de tee-shirt, toujours
en chemise dont les manches, jamais retroussées, couvraient ses
bras jusqu'au poignet même durant les journées caniculaires
d'été à Paris, même dans l'intimité
de la vie de famille. Et "plus tard" j'ai appris la
douloureuse histoire d'une tranche de vie brisée.
Vers la fin de sa vie on lui propose de photographier son bras pour
garder la mémoire de son matricule. Lorsque mon père me
parla de cette démarche, je compris ce qu'il avait pu ressentir.
Pour lui c'était une véritable violation et le devoir
de Mémoire ne passait surtout pas par ce genre d'outrance. Au
nom du "devoir de mémoire" certains considèrent
que la fin justifie les moyens, sans mesurer les conséquences
psychologiques de leurs démarches. Mon père n'a jamais
hésité à venir témoigner dans les collèges,
les lycées, les universités, les associations, mais là
c'était trop lui demander surtout en fin de vie.
Déporté politique français
|
Pierre Johnson reçoit également la tenue réglementaire,
veste rayée, pantalon et calot assortis, qu'il enfile après
avoir été dépouillé de tous ses effets
personnels, après avoir été rasé de
la tête aux pieds et après être passé
au block de désinfection.
Il faut savoir que les déportés restent intégralement
nus à attendre leur tour pendant plusieurs dizaines d'heures,
à l'extérieur des baraquements, jour et nuit, quelque
soit le temps, avant d'enfiler l'uniforme. De A à Z, la
survie des dernières lettres est précaire en hiver.
Au mois de mai, Pierre Johnson est au milieu de la liste, il est
le 850ème appelé une dernière fois par son
nom, dorénavant il s'appelle 185785.
Sur la veste rayée un triangle rouge est cousu pointe
en bas avec la lettre F au centre, signe distinctif des
déportés politiques français. Il portera
cet uniforme informe jusqu'à son rapatriement à
Paris au mois de mai 1945 après la libération du
camp de Dachau par l'armée
américaine.
J'ai conservé son calot qu'il a gardé
jusqu'à sa mort le 22 septembre 1996. (Voir
page 136 du livre)
|
Calot déporté Pierre Johnson
|
La particularité de AUSCHWITZ-BIRKENAU
Entrée du camp vue de l'intérieur - Gallery
Auschwitz-Birkenau-Museum
BIRKENAU est la traduction allemande de BRZEZINKA village situé
au sud de la Pologne, dont le nom apparaît au XIVème siècle.
Début octobre 1941, dans une zone marécageuse à
proximité du village, les Allemands entament la construction
d'un nouveau camp avec des prisonniers Russes réquisitionnés.
Appelé Auschwitz-Birkenau il est le plus grand camp d'extermination
et de concentration, édifié par les nazis. Plus d'un million
d'hommes, de femmes et d'enfants, essentiellement juifs y sont exterminés
par le gaz, un stock tournant de plus de 100 000 déportés
livre les esclaves dans les fermes, usines, mines et autres activités
des 50 commandos extérieurs, la majorité meurt sur place
d'épuisement ou de mauvais traitements.
Parmi les nombreux plans téléchargeables sur internet
c'est celui présenté en 3D par des élèves
de 3ème de l'académie
de Lyon qui me semble le plus représentatif. On imagine l'ampleur
de l'horreur nazie dès l'entrée du camp bien reconnaissable
par l'accès direct des lignes de chemin de fer :
- à l'extérieur, sur fond rouge, le commandement du
camp "komandantur" et casernement des S. S.
- tout au tour du camp se dressent deux rangées de barbelés
électrifiés et des dizaines de miradors où veillent
les sentinelles armées, prêtent à tirer sans sommation,
- l'immense domaine comprend deux entrées dont l'une sous un
porche surmonté d'un mirador :
- Jusqu'au mois de mai 1944 les déportés arrivent
en gare d'Auschwitz puis finissent le parcours à pied où
en camion pour les invalides jusqu'au camp.
- A partir de mai 1944, les trains arrivent directement sur 3
voies aménagées à l'intérieur du camp.
- A la descente du train, dès 1941 les hommes sont séparés
des femmes et des enfants. Les hommes et les femmes valides de
18 à 40 ans sont soumis à l'esclavage, tous les
autres sont immédiatement gazés. Je ne peux m'empêcher
de vous faire partager une des rares confidences de mon père
"... j'ai assisté à
l'arrivée d'un convoi de Juifs, avec, comme d'habitude,
la séparation des hommes et des femmes avec leurs enfants,
un petit garçon de 5 ou 6 ans a voulu s'échapper
des bras de sa mère pour rejoindre son père, il
a été fusillé sur place devant le regard
terrifié de ses parents..."
- à l'intérieur du camp, sur fond jaune, les baraquements
où sont logés les déportés tatoués,
venus de toute l'Europe, destinés aux travaux forcés.
Cette partie du camp est divisée en plusieurs zones séparées
de fils de fer barbelés électrifiés : zone des
femmes, zone des tziganes, zone des juifs, zone des hommes, zone de
quarantaine etc... A droite une extension du camp qui ne sera jamais
achevée mais où seront également entassés
des déportés destinés aux travaux forcés.
- à gauche prêt de l'entrée, sur fond turquoise,
l'hôpital où les déportés sont soumis aux
expérimentations médicales des médecins nazis,
(dans un autre camp Pierre Johnson subira aussi ces expérimentations,
voir page 96 du livre)
- après la zone des baraquements de déportés,
sur fond bleu se trouve l'infirmerie,
- après l'infirmerie sur fond orange les baraques où
sont entreposés valises, lunettes, bijoux, chaussures, dents
en or, dentiers et autres objets personnels volés aux déportés
dès la descente du train. Une équipe de prisonniers
est chargée de trier les objets à expédier en
Allemagne pour la revente, cet endroit est appelé "canada"
dans le langage des camps. Après son rapatriement, à
la demande des autorités françaises, Pierre Johnson
fournira la "liste des objets
volés", même son alliance figure sur cette liste.
- dans le prolongement du "canada", sur fond blanc, le baraquement
appelé "sauna central". Les déportés
destinés aux travaux forcés entrent dans une pièce
pour se déshabiller, puis dans une immense salle pour y être
douchés à coup de jets d'eau chaude suivis de jets d'eau
glacée et passent ensuite dans une salle équipée
de gradins pour sécher d'où le nom de "sauna central".
Après cette opération de nettoyage, ils sont intégralement
rasés de la tête aux pieds. Toutes les femmes qu'elles
soient destinées aux travaux forcés ou à la chambre
à gaz sont rasées pour leurs cheveux longs destinés
à une utilisation industrielle ordonnée par Glücks,
SS-Brigadeführer et General-Major de la Waffen-SS dans une ordonnance
du 6 août 1942 : "Le chef de l'Office Central SS pour
l'Économie et l'Administration a ordonné de récupérer les cheveux
humains dans tous les camps de concentration. Les cheveux humains
seront transformés en feutre industriel, après avoir été bobinés en
fils. Dépeignés et coupés, les cheveux de femmes permettent de fabriquer
des pantoufles pour les équipages des sous-marins, et des bas en feutre
pour la Reichsbahn. Il est ordonné par conséquent de conserver, après
les avoir désinfectés, les cheveux coupés des détenues femmes..."
- à l'extrémité du camp, sur fond noir, les chambres
à gaz :
- fin 1941 deux fermes situées en haut à droite
du plan sont aménagées en chambre à gaz.
Chaque local peut gazer jusqu'à 900 hommes, femmes et enfants
simultanément, le rendement des fours crématoires
ne permettant pas de brûler les corps aussi rapidement que
les S. S. le voudraient, d'immenses fausses communes sont creusées
dans lesquelles les cadavres empilés sont brûlés
à ciel ouvert.
- printemps 1943, en haut à gauche du plan, inauguration
de quatre chambres à gaz, doublées de fours crématoires,
ultra modernes ces chambres à gaz permettent de gazer au
Zyklon B plus de 4000 victimes simultanément en 20 minutes.
Ces nouvelles chambres à gaz fonctionnent sans interruption
jusqu'en novembre 1944.
12 mai 1944
matricule 185785, alias Pierre Johnson,
est transféré au camp de
Buschenwald
Janvier 1945, à l'approche des troupes soviétiques les
S. S. détruisent en partie les chambres à gaz, évacuent
les prisonniers par des marches forcées appelées "marches
de la mort", les prisonniers qui ne marchent assez vite sont
tués sur place, d'autres meurent sur la route d'épuisement
et de froid.
Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques entrent dans le camps d'Auschwitz-Birkenau
et libérèrent environ 7 000 déportés restants.
AUSCHWITZ-BIRKENAU témoignages
Je voudrais terminer ce chapitre par ces trois témoignages qui
résument en quelques mots, ce qu'il est impossible à décrire
si on ne l'a pas vécu, impossible à croire si on n'a pas
côtoyé de près ceux qui l'on vécu et vibré
à l'écoute de leurs témoignages intimes comme j'ai
pu vibrer à l'écoute des rares confidences de mon père
matricule 185785.
Marie-Claude Vaillant-Couturier (1912-1996),
résistante française déportée à
Auschwitz-Birkenau le 24 janvier 1943 matricule 31685
:
"...Comment parler de la déportation ? (...)
Tout était pire que ce que nous pouvons raconter. Les mots ne rendent
qu'une partie de la réalité. Ils ne rendent pas compte de la durée
du temps écoulé car dans les camps les plus durs on se demandait chaque
soir si on aurait la force de revivre le lendemain. (...) Les mots
peuvent-ils réellement montrer l'inconcevable ? Pourtant il nous faut
témoigner et témoigner encore." Extrait de la préface au
Grand Livre des Témoins, Fédération Nationale des Déportés et Internés
Résistants et Patriotes, Ramsay, 1995.
Simone Veil née à Nice en 1927, juive française
déportée à Auschwitz-Birkenau le 15 avril 1944
matricule 78651 :
"...Vaille que vaille, nous nous faisions
à l'effroyable ambiance qui régnait dans le camp, la pestilence des
corps brûlés, la fumée qui obscurcissait le ciel en permanence, la
boue partout, l'humidité pénétrante des marais. (...) Pour nous, les
filles de Birkenau, ce fut peut-être l'arrivée des Hongrois qui donna
la véritable mesure du cauchemar dans lequel nous étions plongées.
L'industrie du massacre atteignit alors des sommets: plus de quatre
cent mille personnes furent exterminées en moins de trois mois. (...)
Je voyais ces centaines de malheureux descendre du train, aussi démunis
et hagards que nous, quelques semaines plus tôt. La plupart étaient
directement envoyés à la chambre à gaz. (...) " Extrait
du livre autobiographie "Une vie", Stock, 2007.
Filip Müller (1922-2013), juif tchèque
déporté à Auschwitz-Birkenau le 13 avril 1942
matricule 29236 :
"...Nous étions au secret quand survinrent
quelques SS qui nous escortèrent par une des rues du camp. (...) M'est
apparu soudain un bâtiment (...) plat avec une cheminée. Sur l'arrière,
j'ai vu une entrée, j'ignorais où l'on nous menait. Je croyais qu'on
allait nous exécuter. (...) Et nous nous sommes retrouvés dans
un corridor.(...) Aussitôt, la puanteur, la fumée m'ont suffoqué.
Nous avons couru encore et alors j'ai distingué les contours des deux
premiers fours. Et entre les fours s'activaient quelques détenus juifs.
Nous nous trouvions dans la salle d'incinération du crématoire du
camp 1 d'Auschwitz. Et de là on nous a poussés vers une autre salle.
Et nous avons reçu l'ordre de dévêtir les cadavres. Je regarde autour
de moi, il y a des centaines de corps. Ils étaient habillés. Entre
les cadavres, pêle-mêle, des valises, des paquets et, disséminés
un peu partout, d'étranges cristaux bleu-violet. Mais tout m'était
incompréhensible. C'est comme un choc à la tête, comme si vous étiez
foudroyé. Je ne savais même pas où je me trouvais ! Et comment était-il
possible de tuer tant de gens à la fois ! Nous en avions déjà dévêtu
quelques-uns, quand l'ordre fut donné d'alimenter les fours. Soudain
un Unterscharführer se rua vers moi et me dit : "Sors d'ici, va remuer
les cadavres !" Mais que signifiait "remuer les cadavres" ? Je suis
entré dans la salle de crémation. Il y avait un détenu juif (...)
et j'ai vu comment il fourgonnait le four avec une grande tige. (...)
J'étais à ce moment là en état de choc, comme hypnotisé, prêt à exécuter
tout ce qui m'était commandé." Extrait de "Trois ans
dans une chambre à gaz d'Auschwitz", Pygmalion/Gérard Watelet,
1980.
MÉMOIRE
Après la libération Auschwitz reste abandonné
pendant deux ans.
MÉMOIRE
des TÉMOINS ASSOCIÉS
1945 en France, dès le rapatriement des
déportés survivants du camps d'Auschwitz, 2500
hommes et femmes, tout juste de retour dans leurs foyers, créent
l' Amicale
des Déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie afin
que l'on n'oublie jamais que 97 % des déportés
français sont morts dans le camp d'extermination dans
des conditions inimaginables. Les déportés rassemblés
en Amicale, dont Pierre Johnson faisait partie, veulent apporter
leur témoignage aux nouvelles générations
avec l'espoir de préserver l'avenir. Cette initiative
ne sera pas du goût de tout le monde et en particulier
du gouvernement français en place après la guerre.
|
Extrait de la cession du 24 janvier 1955 à l'Assemblée
Nationale :
" Madame Rabaté demande à Monsieur
le ministre de l'Intérieur :
1° - en vertu de quels textes Monsieur le préfet
de la Seine a été amené, en date
du 31 décembre 1953, à décider "d'inviter
les maires des arrondissements de Paris à refuser
désormais toute concession de salles" aux
amicales de déportés politiques (d'Auschwitz,
Birkenau et des camps de Haute-Silisie), 16 rue Leroux,
sous prétexte que, lors de réunions intérieures
de ces association, "des discours à caractère
politique" auraient été prononcés,
comme s'il est possible aux associations d'anciens déportés
de ne pas être amenées à traiter de
problèmes qui s'imposent aux préoccupations
de tous les Français et plus particulièrement
aux anciens déportés et internés
et aux familles des disparus ;
2° - Quelles mesures il envisage pour que soit rapportée
la mesure prise par Monsieur le préfet de la Seine." |
En 1958, Pierre Johnson lance un appel pour créer
une association regroupant les compagnons rescapés
du convoi du 27 avril 1944. L'année suivante Pierre
Johnson et Léon Hoebecke créent "l'Amical
des Déportés Tatoués du 27 avril 1944"
le 25 avril 1959, réunissant 88 compagnons.
Dans chaque pays touché par la déportation
et l'extermination de ses compatriotes, de nombreuses associations
à la mémoire d'Auschwitz ont vu le jour, et
c'est tant mieux, car la mémoire est faite pour être
perdue. Chaque association créée, chaque livre
publié, chaque témoignage de déporté
toujours en vie aujourd'hui préserve encore un peu
la paix fragile retrouvée. Hélas, depuis plus
de 70 ans que les camps sont libérés, les déportés
disparaissent peu à peu, Pierre Johnson est mort en
1996, la plupart de ses compagnons ne sont plus là
pour témoigner, il faut être vigilant afin que
ces associations ne finissent pas instrumentalisées.
MÉMOIRE
MUSÉE
En Pologne, d'anciens détenus Polonais organisent la
"Préservation Permanente du Camp d’Auschwitz"
14 juin 1947 : présentation d'une première exposition
à laquelle assiste 50 000 personnes essentiellement des
Polonais, mais également des délégations de l’ambassade
de Grande-Bretagne, de Tchécoslovaquie et de France
2 juillet 1947 : le Parlement Polonais décide de faire d'Auschwitz
un musée à la mémoire des victimes sur 191 hectares : 20 hectares
sur le site d'Auschwitz-Stammlager et 171 hectares sur le site
d'Auschwitz-Birkenau
Gallery
Auschwitz-Birkenau-Museum
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1960 : chaque pays concerné par la déportation
à Auschwitz organise une "exposition nationale"
1967 : inauguration d'un mémorial
international avec 21 dalles portant la même inscription
en relief dans la langue du pays d'origine.
« Que ce lieu où les
nazis ont assassiné un million et demi d'hommes, de femmes
et d'enfants, en majorité des Juifs de divers pays d'Europe,
soit à jamais pour l'humanité un cri de désespoir et un
avertissement.
Auschwitz-Birkenau 1940-1945 »
1979 : Auschwitz-Birkenau fait partie du patrimoine mondial
de l'UNESCO.
1999 : le musée s'appelle "Musée d'État
d'Auschwitz-Birkenau à Oswiecim"
Si les premières décennies furent conflictuelles
entre politiques et religieux, à propos de l'aménagement
du lieu historique, aujourd'hui le site d'Auschwitz propose
à la fois la découverte universelle du camp par des
visites guidées mais également des expositions
permanentes, conférences, projections filmées entre
autres.
Site internet Auschwitz-Birkenau mémorial
and museum : http://auschwitz.org/
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ANTI-MÉMOIRE
NÉGATIONISME : « Les camps d'extermination n'ont
jamais existé »
Dès le lendemain de la Libération des groupements
d'extrême droite et d'extrême gauche, des nostalgiques
des thèses nazies, échafaudent des théories
visant à nier la réalité des exterminations
par chambre à gaz. Ces thèses seront de surcroît
soutenues jusqu'en 1980, par des professeurs d'université,
qui, sans rencontrer d'opposition, les diffusent auprès
des étudiants, en particulier à l'université
de Lyon.
Dossier mis en ligne par l'Académie de
Reims :
La
nécessité d'affirmer la véracité et la singularité du génocide
perpétré par les nazis face aux négationnistes.
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